46- 21/03/2022 Quand les dispositifs de soutien aux réfugiés s’inspirent des préceptes de l’empowerment, les bénéficiaires en retirent des avantages en termes de résilience et d’empowerment. Telles sont les conclusions de deux articles scientifiques (1) publiés récemment et décryptés par selfpower community. Explications…
Près de 300 millions de personnes en souffrance ont quitté leur pays pour échapper aux guerres, à la violence ou à la pauvreté et repartir à 0 sous des cieux plus cléments – selon le rapport 2022 sur les migrations dans le monde (2). Arrivés dans leur pays d’accueil après avoir surmonté les périls d’une migration forcée, les réfugiés éprouvent des sentiments d’impuissance et de détresse psychologique auxquels s’ajoute l’épreuve de la disqualification sociale et économique.
Pour leur permettre de se reconstruire dans ce nouvel environnement, des soutiens ont été conçus à leur attention. Les programmes comprennent la recherche de logement, d’emploi, l’apprentissage de la langue, l’appui administratif pour la délivrance des titres de séjour et des sessions d’information et d’orientation abordant des sujets tels que la géographie du pays, l’histoire, le système politique, la culture… Certains de ces dispositifs s’inspirent des préceptes de l’empowerment ; un processus qui vise à transformer des fragilités en pouvoirs d’affirmation de soi et de ses choix et en capacités d’agir et de contrôle sur sa destinée. Ces méthodes ont été analysées par des chercheurs. Parmi les travaux publiés dernièrement, deux ont retenu notre attention (1). Ils soulignent l’intérêt de l’apprentissage mutuel et du mentorat par les pairs.
L’apprentissage mutuel pour rompre la solitude et s’entraider entre compagnons
Bien qu’analysés sur des panels limités, les modèles étudiés suivent une même dynamique qui relève du “processus d’empowerment“. Celui-ci se déroule en trois phases communautaire et collaborative et sociétale. L’empowerment collectif communautaire débute par des réunions régulières entre personnes nouvellement arrivées. Elles y acquièrent les connaissances utiles dans leur vie quotidienne. Les communautés s’apparentent alors aux groupes d’entraide au sein desquels les participants partagent leur expérience, s’entraident, échangent des produits de première nécessité. C’est en faisant société que se concrétise la première phase de l’empowerment collectif, la phase communautaire.
L’intervention de pairs, aidants de l’intérieur : animateurs et mentors
Vient ensuite le stade collaboratif où des réfugiés volontaires formés aux techniques de communication interviennent auprès des autres réfugiés et les aident à surmonter les obstacles durant cette délicate période de transition. Ils transmettent conseils et recommandations aux membres du groupe et les incitent à agir eux-mêmes en tant qu’acteurs de changement.
L’efficacité de ces ateliers est augmentée quand la culture des personnes est prise en compte. Ainsi, l’adaptation du discours aux us et coutumes des réfugiés, le fait de s’adresser à eux avec empathie et sur un pied d’égalité (et non pas d’agent social à bénéficiaire dépendant), l’intérêt pour leurs connaissances et leurs capacités propres sont autant de conditions favorables à l’affirmation de leur empowerment. Les études ont souligné l’importance pour ces pairs de travailler avec des groupes homogènes en ethnie, en âge, sexe, langage… Les pairs, réfugiés plus expérimentés et naturellement imprégnés de la même culture que leurs concitoyens, savent adapter leurs connaissances, évoquer la similitude de situations vécues, prendre des exemples parlants pour l’auditoire et faire remonter les besoins auprès des responsables. Ils interviennent comme des modérateurs-référents-guides.
Ces groupes réussissent à créer un capital social commun, mix de confiance interpersonnelle, de réseau de soutien, d’écoute pour aider à dépasser les traumatismes. Dans ce cadre bienveillant, les membres partagent les informations, les expériences, les ressources et les possibilités offertes par la société d’accueil. Autant de moyens qui facilitent les processus d’acculturation et d’intégration.
Une conscience critique
La liberté de parole permet à chacun d’évoquer ses difficultés d’insertion et de parler sans tabou des discriminations sociales subies qui portent atteinte aux droits de l’homme. De ces douleurs s’élève une conscience critique qui forge l’identité collective du groupe.
Ensemble, les participants mobilisent leur intelligence collective pour réfléchir aux actions possibles afin de combattre l’exclusion. Parmi les exercices pratiques, on citera le récit des injustices ressenties et l’élaboration d’un guide de recommandations aux nouveaux arrivés. Cette conscience critique peut les amener à élaborer de nouveaux programmes, à créer des centres de ressources communautaires et enfin à se constituer en associations de réfugiés… Les groupes franchissent alors le palier de l’empowerment sociétal.
Parmi les limites identifiées, les chercheurs évoquent les ressources contraintes mises à disposition des usagers. En effet, l’efficacité de ces dispositifs se heurte aux questions plus larges portant sur la logistique et sur les moyens mobilisés dont dépendent les réfugiés pour réussir leur installation.
Marie-Georges Fayn
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[1] Mahon, D. (2022). A Scoping Review of Interventions Delivered by Peers to Support the Resettlement Process of Refugees and Asylum Seekers.Trauma Care, 2(1), 51-62.
Paloma, V., de la Morena, I., Sladkova, J., & López‐Torres, C. (2020). A peer support and peer mentoring approach to enhancing resilience and empowerment among refugees settled in southern Spain. Journal of Community Psychology, 48(5), 1438-1451.
[2] https://worldmigrationreport.iom.int/wmr-2022-interactive/ (accès le 16 mars 2022).
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