Impact méconnue du changement climatique sur les droits des femmes. ©Grok
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93- 01/10/2025 Le réchauffement climatique met en péril nos écosystèmes et menace l’empowerment des femmes. Le rapport Temperature Anomalies as an Obstacle to Women’s Rights and Economic Empowerment? (Behr, Shen, Tribin, Trumbic, 2025) montre qu’une hausse inhabituelle des températures peut ralentir, voire inverser, les réformes juridiques favorables aux femmes, en particulier dans les pays à faibles revenus.

Le cercle vicieux du climat et des droits

Les auteurs rappellent que « le changement climatique et l’égalité de genre sont liés dans une relation complexe et cyclique où les chocs environnementaux touchent de façon disproportionnée les femmes, exacerbant les inégalités existantes et limitant leur capacité à sécuriser et exercer leurs droits » (p. 7). Dans de nombreuses sociétés, les femmes se trouvent déjà en première ligne des crises climatiques : exposition accrue à la violence, charges domestiques renforcées, pertes d’emploi dans les secteurs agricoles ou informels.

Ces disparités sont accentuées par ce que les chercheuses appellent une « pauvreté en temps », conséquence de l’augmentation du travail domestique non rémunéré et de la diminution des opportunités économiques. Comme l’écrivent les auteurs : « le changement climatique accroît le travail domestique non rémunéré des femmes et réduit leur participation aux activités génératrices de revenus » (p. 5).

Cruels constats
Les recherches montrent que les femmes subissent 
davantage de morbidité et de mortalité lors des 
catastrophes climatiques. 

Cette vulnérabilité est particulièrement forte là où la 
protection institutionnelle et le statut socioéconomique
sont faibles. Elle tend en revanche à diminuer dans les 
pays où les droits des femmes sont mieux garantis.
Des effets localisés apparaissent, comme la surmortalité 
des filles en période de sécheresse en Inde et aux 
Philippines. Cette situation est liée notamment à 
la préférence traditionnelle pour les garçons.
Dans d’autres contextes, les crises climatiques aggravent 
l’état nutritionnel des filles, comme cela a été documenté
 en Indonésie. Elles entraînent aussi des pertes d’emploi 
et une réduction de la propriété d’actifs pour les femmes,
observées en Inde et en Tanzanie.
À ces impacts économiques s’ajoute une augmentation du
travail domestique non rémunéré.
Cela réduit la participation des femmes aux activités
génératrices de revenus et accroît leur pauvreté en temps.
Globalement, le changement climatique accentue les inégalités
de genre, limite l’autonomie des femmes et compromet 
leurs perspectives d’avancée économique et politique.

Des réformes juridiques qui s’essoufflent sous la chaleur

L’analyse statistique révèle que les anomalies de température sont associées à un recul des droits dans trois domaines clés : le mariage, la parentalité et la mobilité. Or, ces dimensions conditionnent directement la liberté de décision des femmes. « La mobilité, en particulier, se distingue comme l’un des obstacles juridiques les plus difficiles à démanteler […] Les reculs dans les droits de mobilité coïncidant avec le stress climatique sont frappants, car des mouvements restreints accroissent la vulnérabilité des femmes » (p. 24).

De plus, ces reculs s’installent durablement. Le rapport souligne que « les effets des chocs climatiques sur la réforme juridique sont persistants, avec des retards pouvant durer jusqu’à une décennie » (p. 29). Autrement dit, un épisode de chaleur extrême ne fait pas que retarder une loi : il peut geler les progrès pour une génération entière.

Quand l’urgence prime sur l’égalité

Pourquoi ce blocage ? Parce qu’en situation de stress climatique, les gouvernements arbitrent leurs ressources limitées. « Sous l’effet des chocs de température, les États à faibles revenus redirigent des ressources rares vers des priorités urgentes de réponse climatique […] au détriment de réformes structurelles de long terme comme l’égalité juridique des femmes » (p. 19).

Ce mécanisme crée un paradoxe : au moment même où les femmes auraient besoin de droits renforcés pour faire face aux catastrophes, ces droits deviennent plus difficiles à obtenir.

Quelles vigilances, quelles actions ?

Face à ce constat, plusieurs pistes s’imposent :

  • Inscrire l’égalité dans les stratégies climatiques : les politiques d’adaptation doivent intégrer explicitement les droits des femmes, afin d’éviter leur marginalisation dans les arbitrages budgétaires.
  • Protéger les réformes coûteuses : congés parentaux, accès à la protection sociale ou soutien à l’entrepreneuriat féminin ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel de l’urgence.
  • Surveiller la durée des reculs : toute suspension de réforme doit être documentée, pour éviter que l’exception ne devienne la norme.
  • Renforcer la voix des femmes dans la gouvernance climatique : leur participation active est une condition pour que les arbitrages ne se fassent pas à leur détriment.

« Nos résultats soulignent la nécessité d’intégrer les considérations liées au genre dans les stratégies d’adaptation au changement climatique et de veiller à ce que l’autonomisation juridique ne soit pas reléguée au second plan en période de tensions budgétaires et environnementales.» (p. 3)

Et de conclure « l’égalité juridique de genre n’est pas un idéal à poursuivre après la crise ; c’est un socle pour une action climatique inclusive et efficace » (p. 30).

La lutte contre le réchauffement climatique et l’émancipation des femmes ne sont pas deux fronts séparés. Ce sont deux dimensions d’un même combat : construire des sociétés résilientes, justes et capables de se réinventer face aux chocs.

Marie-Georges Fayn

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