Et si les patients détenaient une partie des solutions aux défis de notre système de santé ?
Alors qu’un tiers des français vit avec une maladie chronique (37,5 %) (1), que 87 % du territoire est classé en désert médical et que 6 millions de personnes n’ont pas de médecin traitant (2), il devient urgent de repenser en profondeur l’organisation des soins. Dans ce contexte, le soutien par les pairs, porté par les communautés de patients, s’impose comme une réponse pragmatique, humaine et durable.
Bien plus qu’un simple appui, ces collectifs jouent un rôle central : ils améliorent la qualité de vie, renforcent la sécurité des parcours, soutiennent les plus vulnérables, et participent à la co-construction des politiques de santé. Reconnues par l’OMS (3) comme des acteurs non étatiques légitimes, les associations de patients interviennent désormais en tant que partenaires stratégiques, porteuses de solutions concrètes et de transformations durables.
Une approche fondée sur les savoirs expérientiels
Le soutien par les pairs repose sur une idée simple, largement vérifiée dans les faits et démontrée par la recherche scientifique (4) : les personnes concernées par la maladie chronique acquièrent au fil du temps des savoirs précieux, très utiles aux autres patients. Ces connaissances, nées de l’expérience, ne remplacent pas les savoirs médicaux, mais les complètent utilement.
Ces patients ont appris à vivre avec leur pathologie, à naviguer au sein des méandres de l’organisation sanitaire, à affronter l’incertitude, les effets secondaires des traitements et les rechutes. Ils ont aussi gagné en autonomie, en capacité à décider, à collaborer avec les professionnels, à transmettre ce qu’ils ont appris, à briser les stigmatisations, à combattre les inégalités…
Le partage d’expériences est un acte fondateur pour ces communautés d’entraide. Il marque la première étape du processus d’empowerment collectif, communautaire, collaboratif et sociétal.
Les effets bénéfiques des associations de patients
L’expérience collective de la maladie partagée au sein d’une communauté, renforce la cohésion du groupe. Elle sert de socle à la création de nouvelles approches et élève le pouvoir d’agir individuel et collectif ; elle légitime l’inscription des patients en tant qu’acteurs à part entière de leur prise en charge et de la transformation du système de santé. Ainsi, les associations de patients fournissent :
1. Un soutien émotionnel et social structurant
qui réduit l’anxiété et l’isolement. Ces liens font naître un sentiment d’appartenance et de reconnaissance mutuelle qui génère une plus grande confiance en soi et dans ses pairs.
2. Une opportunité d’empowerment
qui comprend une initiation à la vie avec la maladie, l’acquisition de connaissances, de compétences et d’un savoir-faire collaboratif. Les patients gagnent ainsi en autonomie, en capacité à décider, à concevoir des alternatives et à défendre leurs droits..
3. Un rôle actif dans l’organisation et la transformation du système de santé
qui s’appuie sur une compréhension des causes profondes des dysfonctionnements – savoir pourquoi et comment ils ont pu être instaurés – et sur une volonté de réforme. Les patients s’impliquent dans la co-construction des parcours, la gouvernance des institutions, et influencent les politiques publiques et les stratégies de recherche.
Relier le pouvoir aux réalités du terrain
Les associations de patients sont les corps intermédiaires entre les institutions et les usagers. Elles font le lien entre ceux qui prennent les décisions et ceux qui en subissent les conséquences, ceux qui planifient l’organisation des soins et ceux qui ne s’y retrouvent pas, ceux qui votent les lois et ceux qui en dénoncent les effets pervers. Face aux carences, exclusions et stigmatisations, ces acteurs développent une conscience critique, une intelligence collective et s’organisent en mouvements citoyens apprenants et agissants.
C’est avec eux, et grâce à leur engagement, que pourront émerger des parcours de santé plus justes, plus adaptés, plus humains, véritablement ancrés dans la réalité des vies.
Marie-Georges Fayn
(1) Eurostat, 2023 D’autres données chiffrées sur les prévalences par maladie sont disponibles ici : https://www.oecd.org/fr/topics/policy-issues/chronic-diseases.html#related-data
(2) Déclaration de M. François Bayrou, Premier ministre, sur “l’accès aux soins, au sommet des priorités du Gouvernement”, Puycapel (Cantal) le 25 avril 2025. https://www.vie-publique.fr/discours/298329-francois-bayrou-25042025-les-deserts-medicaux-deplacement-dans-le-cantal
(3) OMS Engagement plan with non-State actors (2024) https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/379323/WHO-EURO-2024-2948-42706-59554-eng.pdf?sequence=1&isAllowed=y
Les savoirs issus de l’expérience des patients sont des ressources essentielles pour améliorer les pratiques et les organisations.” Les organisations de patients […] jouent un rôle catalyseur dans la transformation des systèmes de santé vers des soins centrés sur la personne.” Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2023). Cadre pour l’engagement significatif des personnes vivant avec des maladies non transmissibles, des troubles mentaux et neurologiques.
Genève : OMS. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO.
(4) Principales références
Depuis les années 70, les recherches confirment les effets bénéfiques du soutien par les pairs, dans des domaines aussi variés que les maladies chroniques, la santé mentale, l’oncologie, le VIH :
Barlow, J., Wright, C., Sheasby, J., Turner, A., & Hainsworth, J. (2002). Self-management approaches for people with chronic conditions: a review. Patient education and counseling, 48(2), 177-187.
Davidson, L., & Guy, K. (2012). Peer support among persons with severe mental illnesses: a review of evidence and experience. World psychiatry, 11(2), 123-128.
Hoey, L. M., Ieropoli, S. C., White, V. M., & Jefford, M. (2008). Systematic review of peer-support programs for people with cancer. Patient education and counseling, 70(3), 315-337.
Lorig, K. R., Sobel, D. S., Ritter, P. L., Laurent, D., & Hobbs, M. (2001). Effect of a self-management program on patients with chronic disease. Effective clinical practice: ECP, 4(6), 256-262.
Marcu, G., Ondersma, S. J., Spiller, A. N., Broderick, B. M., Kadri, R., & Buis, L. R. (2022). The perceived benefits of digital interventions for behavioral health: qualitative interview study. Journal of Medical Internet Research, 24(3), e34300.
Pfeiffer, P. N., Heisler, M., Piette, J. D., Rogers, M. A., & Valenstein, M. (2011). Efficacy of peer support interventions for depression: a meta-analysis. General hospital psychiatry, 33(1), 29-36.
Van Dongen, S. I., De Nooijer, K., Cramm, J. M., Francke, A. L., Oldenmenger, W. H., Korfage, I. J., … & Rietjens, J. A. (2020). Self-management of patients with advanced cancer: a systematic review of experiences and attitudes. Palliative medicine, 34(2), 160-178.
Jefferies Nadine (2024) Rare disease patient advocacy groups – National Genomics Education Programme | GeNotes – NHS England – National Genomics Education Programme – (2024) Extrait : Les associations de défense des patients offrent aux personnes atteintes de maladies rares un soutien, des informations et un sentiment d’appartenance. Leur objectif est d’empowérer les patients atteints de maladies rares, leurs familles et les professionnels de santé qui les accompagnent. https://www.genomicseducation.hee.nhs.uk/genotes/knowledge-hub/rare-disease-patient-advocacy-groups/
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