80- 01/10/2024 – Une démarche innovante d’empowerment en maison de retraite

À l’occasion de la journée nationale de mobilisation pour le grand âge, une initiative prometteuse de transformation sociétale se distingue : Depuis 2019, Elsa Ballanéda, directrice de la Maison de Retraite Protestante Maison de Retraite Protestante – SSIAD du Bois Joli à Montpellier (34)*, a mis en place un processus participatif où les résidants volontaires sont invités à participer au recrutement du personnel. Sur les 91 pensionnaires, 5 se sont engagés dans cette mission. Cette démarche part d’une conviction simple : la maison de retraite n’est pas un mouroir mais un lieu de vie. C’est un véritable foyer. Les résidants sont chez eux, c’est avec leur argent que le personnel est rétribué ; il est donc normal qu’ils puissent choisir ceux qui les accompagnent au quotidien.

Elsa Ballanéda a instauré de nouvelles règles en permettant à un ou deux résidants de prendre part, aux entretiens d’embauche, en binôme avec la responsable des ressources humaines ou du service. Ces résidants reçoivent une formation préalable sur le fonctionnement de la maison de retraite et les attentes en matière de qualité de vie. Certains ont été formés aux entretiens d’embauche. Aux critères institutionnels s’ajoutent des valeurs qui leur sont chères, telles que la politesse, le respect et l’honnêteté. Ils évaluent non seulement les compétences techniques des candidats, mais aussi leur savoir-être. Ainsi, ils observent si le candidat leur prête attention, s’il tient compte de leurs questions, comment il y répond. Un candidat qui les ignore sera d’office écarté. Cette formule présente l’intérêt de mettre en balance les qualités morales et conviviales avec le savoir-faire des candidats. « Au départ, les postulants sont surpris mais à la réflexion, ils trouvent l’exercice « normal » car cela leur permet d’être directement confrontés aux personnes qu’ils vont accompagner et pour lesquelles ils sont recrutés» note la directrice.

Pour les personnes âgées, cette initiative fonctionne comme un levier d’empowerment. Participer à la sélection des prestataires permet aux résidants de retrouver une forme de pouvoir et de reconnaissance. Ils ne sont plus de simples bénéficiaires de soins, mais des décideurs actifs. Comme l’exprime un résidant : « Me permettre de participer au recrutement, c’est m’accorder une place particulière ici. Je me sens véritablement chez moi.»

Leurs contributions modifient leur statut. Ils passent d’une condition de dépendance et d’incapacité au rang d’employeur, ce qui change leur regard sur eux-mêmes et sur leur rôle dans la collectivité. Leur engagement les valorise et ils se sentent utiles.  « C’est important pour moi de participer car cela permet de sélectionner des candidats pour m’assurer du respect, de la politesse, de l’honnêteté (…) » témoigne une résidante.

Le participant a vraiment le sentiment de tenir les rênes de la maison, d’être chez lui et d’avoir une place à la direction. « Le risque, c’est qu’il se sente supérieur aux autres, comme dans une micro-société où l’on retrouve les mêmes dynamiques et tensions ! » observe Elsa Ballanéda.

Quant au personnel, il est plus divisé. Pour certains ce partenariat est un enrichissement, ils échangent sur la stratégie de l’établissement et envisagent des projets en commun. D’autres se sentent mis sous contrôle et vivent moins bien le regard critique car ils savent que le résidant a son mot à dire sur leur intégration et sur leur comportement.

Le regard de la famille sur le résidant a aussi évolué. Auparavant il était considéré comme une personne diminuée et faible. Aujourd’hui il codécide du recrutement des collaborateurs. Respect !

Cette approche participative a également transformé l’image de la maison de retraite, désormais perçue comme une institution dynamique et innovante. « Nous sommes fiers de cette initiative qui, sans être un simple affichage, reflète un véritable changement de fond », souligne Elsa Ballanéda. Ses collègues directeurs voient dans cette démarche une source d’espoir en cette période de crise.

Décryptage

En impliquant les résidants dans le processus de recrutement, ce partenariat crée une base de valeurs communes, professionnelles et comportementales. Il redonne dignité, autonomie et pouvoir aux résidants. Ce modèle de management déconstruit des mécanismes trop lourds et formalistes au profit d’une expression plus libre et directe de l’usager. Il montre qu’il est possible de faire évoluer les pratiques et les perceptions, tant au sein de l’établissement qu’auprès des familles et des autres structures… Et pourquoi pas de la société !

Marie-Georges Fayn

• site de l’établissement https://www.mrp34.org/service-de-soin-a-domicile-montpellier/