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Pourquoi l’empowerment du patient est-il essentiel dans une démocratie sanitaire avancée ?

79- 01/09/2024 – Le malade interroge, compare, participe, évalue et partage ses opinions. Aiguillon du système de santé, il revendique une offre de soins sûre, efficace, équitable, et adaptée à ses besoins, car sa vie et celle de sa communauté en dépendent. Son implication revêt plusieurs dimensions cruciales :

1.     Concertation et débat sur les enjeux du service de santé publique : l’organisation des soins à une incidence sur l’état de santé de la population et sur l’aménagement du territoire. Le processus participatif aide à mieux cerner les difficultés du terrain dans l’accès aux soins de qualité et à co-construire des solutions plus adaptées aux spécificités locales pour faire vivre en tout lieu le droit à la protection de la santé.

2.     Réduction des inégalités de santé : les réseaux de patients, ancrés et connectés aux populations, y compris les plus éloignées des soins, jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les inégalités. Leur présence sur le terrain permet d’identifier les obstacles et d’agir pour y remédier ; ces vigies de première ligne ont toute leur place dans les stratégies de réduction des inégalités.

3.     Amélioration de la qualité des soins : faire équipe avec un patient, acteur central de son parcours de santé, intégrer son vécu et ses attentes et l’associer aux décisions, améliore la pertinence et l’observance des traitements. Cependant, une clarification s’impose sur la finalité de cette coopération : pour les professionnels de santé, il s’agit principalement de responsabiliser les patients et d’assurer une utilisation plus efficiente des ressources. Pour les patients, cette démarche est perçue comme une reconnaissance de leur autonomie et une opportunité de s’affirmer en tant que partie prenante dans l’organisation des soins. Un consensus autour du périmètre et des modalités de partenariat reste à construire.

4.     Innovation et adaptation : les retours des patients, qu’ils soient spontanés ou collectés via des forums, enquêtes de satisfaction, ou groupes de réflexion mixtes réunissant soignants et soignés, sont essentiels pour identifier les nouveaux besoins des patients. A partir de ces feedbacks, des solutions créatives et stimulantes peuvent être co-conçues pour la plus grande satisfaction des patients. Du côté des équipes, cette attention est le marqueur d’une capacité d’adaptation plus large, aux évolutions démographiques, technologiques, épidémiologiques ou organisationnelles..

5.     Renforcement de la confiance et de l’adhésion des patients : L’instauration d’authentiques partenariats avec les patients dans la gouvernance et l’organisation des soins atteste d’une confiance mutuelle. Au niveau individuel, la présence de leurs représentants au sein des instances rassure les patients et peut faciliter leur adhésion aux traitements et aux recommandations médicales..

6.     Compréhension réciproque : le rapprochement entre les professionnels de santé et les patients permet à chacun de mieux comprendre les réalités et les contraintes de l’autre. Cette attention réciproque induit une plus grande tolérance et pose les bases d’une culture commune, à la fois humaniste et experte.

Cependant les obstacles sont nombreux

–         Le premier d’entre eux est lié au contexte de déficit budgétaire, de pénurie de praticiens et soignants et de suppressions de services. Difficile pour les professionnels de santé, d’être attentifs aux demandes des usagers dans des services en tension, régis par des impératifs d’économie. Difficile pour les patients de ne pas relever les contradictions flagrantes entre les promesses et les ressources affectées. Difficile enfin de ne pas prendre les discours d’ouverture comme des parodies de consultation voire comme des tentatives de manipulation quand priment les décisions unilatérales de réduction de l’offre, de la concentration des ressources sur les grand pôles – avec comme conséquence directe l’augmentation des inégalités territoriales et sociales*.

–         Le second obstacle vient de la réticence des professionnels de santé et des autorités de tutelle à considérer les patients et leurs représentants comme de véritables partenaires décisionnaires. La volonté politique de démocratiser la santé et la reconnaissance des droits individuels et collectifs des patients peinent à se traduire sur le terrain en processus participatifs et en co-prises de décision.

–         Le troisième obstacle tient aux modalités de concertation et de partenariat. Ces procédures sont chronophages, consommatrices de ressources et nécessitent une expertise. En effet, le management participatif requiert de nouvelles compétences en techniques d’animation, de coordination et de création de synergies et de compréhension commune. Or les établissements en difficulté n’ont pas les moyens de lancer ces formations ni de recruter des chargés de mission. Quant aux patients et à leurs représentants, ils doivent faire l’effort de se familiariser avec la complexité du milieu de la santé. Or seuls les groupes bien structurés ont les moyens d’acquérir cette compétence ; le malade lambda se retrouve de facto exclu de ces groupes de travail.

Marie-Georges Fayn

*En 50 ans, les trois quarts des maternités ont disparu. En 2000, la France métropolitaine comptait 721 maternités, 452 en 2021 -Académie nationale de médecine 28 février 2023, https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2023/03/RAPPORT-planification-de-la-pe%CC%81rinatalite%CC%81-.pdf
En 21 ans (entre 2000 et 2021) 79 000 lits ont été fermés et plus de 6 700 en 2022 selon la Drees https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/en-2022-la-baisse-du-nombre-de-lits-en-etat
L’Association des maires ruraux de France (AMRF) alerte sur la désertification médicale et sur les inégalités d’accès aux soins qu’elle entraine. Selon leur étude, dix millions de Français vivent dans un territoire où l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne du pays et que six millions d’entre eux résident à plus de trente minutes d’un service d’urgence et évoque « une France à deux vitesses » les personnes domiciliées en milieu rural très peu dense https://www.amrf.fr/les-dossiers/sante/
Les délais d’attente pour les rendez-vous à un spécialiste ou à un centre d’expertise ne cessent de s’allonger et peuvent prendre des mois et souvent les nouveaux patients sont refusés, quant aux urgences elles sont surchargées. Il en ressort un sentiment de dégradation de l’offre de soins qui conduit de plus en plus de Français à renoncer aux soins, avec des conséquences parfois graves. Source Ipsos 18 mars 2024 https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2024-03/ipsos-fhf-acces-aux-soins-2024-rapport-complet.pdf