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Empowerment: traitement contre le burnout?

60- 13/03/2023 En tant que chercheure passionnée par l’empowerment et ses multiples applications, j’ai été intriguée par une étude récente traitant de l’empowerment en tant que stratégie préventive du burnout chez les formateurs en travail social*. Une de ses auteures, Lauren McCarthy commente les résultats de son étude.

Burnout, le mal du siècle
 photo Nubelson Fernandes sur Unsplash

Quelles sont les causes établies de l’épuisement professionnel ce mal du siècle qui menace le monde du travail ?

Lauren McCarthy Le burnout est un phénomène complexe et les recherches existantes ont uniquement déterminé les caractéristiques associées à l’épuisement professionnel – mais aucune étude n’a démontré la causalité de ces associations. La plupart des facteurs associés à l’épuisement professionnel sont d’ordre organisationnel. Ainsi, il est attesté que les charges professionnelles imposées à un individu doivent être définies en fonction des ressources mises à disposition (cf The Jobs Demands-Resources model**). La littérature sur l’épuisement professionnel dans le domaine du travail social confirme ce point de vue et montre que les facteurs organisationnels tels que les conditions physiques et psychologiques du lieu de travail, la répartition des ressources, la charge de travail et le sentiment d’un manque de soutien de la part de l’employeur sont tous associés à l’épuisement professionnel. En revanche, les caractéristiques individuelles associées à une diminution de l’épuisement professionnel comprennent les années d’expérience ou l’âge, l’engagement perçu envers la profession, l’auto-compétence et l’autonomie professionnelle ressenties.

L’étude a été conduite en 2018. Elle se construit autour d’une enquête en ligne menée auprès d’un échantillon de 189 formateurs de terrain en travail social dans une grande ville de la côte est des États-Unis. L’analyse portait sur les liens entre l’échelle de mesure d’empowerment de Frans (1993)***  et les scores d’épuisement du ProQOL (qualité de la vie au travail) de Stamm (2009)****

L’échelle de mesure de l’empowerment de Frans (1993) comprend 5 dimensions
(a) posséder les connaissances et les compétences nécessaires pour influencer les événements de la vie d’autrui ;
(b) partager une identité collective au sein de sa profession ou de son organisation, y compris des objectifs et des ressources partagés ;
(c) posséder une conscience critique en comprenant les superstructures de l’économie et de la société dans laquelle on évolue
(d) le concept de soi, la représentation que l’on se fait de soi-même (y compris une évaluation positive de soi) et de ce qui est important à nos yeux, ;
(e) la propension à agir, la capacité d’entreprendre une action efficace pour soi-même ou pour les autres
 
Les scores du ProQOL (Stamm, 2009) portent sur la fréquence des expériences de travail symptomatiques du burnout au cours des 30 derniers jours (de jamais à très souvent). Ils mesurent la satisfaction de la compassion, la fatigue de la compassion, elle-même composée de deux concepts : le stress traumatique secondaire  et l’épuisement professionnel.
 
Quant aux variables de contrôle, elles concernent l’expérience professionnelle spécifique au champ du travail social (années d’exercice, catégories des bénéficiaires – enfant, famille, adulte, personnes souffrant de traumatismes…

Lauren McCarthy, P¨hD – Université de Maryland Ecole des travailleur sociaux, Baltimore, MD, USA

L’empowerment est-il vraiment le contraire du burnout ?

LMC Je ne sais pas si je dirais que l’empowerment est le contraire de l’épuisement professionnel. Notre étude a révélé que les travailleurs sociaux qui ont des scores plus élevés sur une mesure de l’empowerment ont tendance à avoir des scores plus bas sur une mesure de l’épuisement professionnel. Nous avons également constaté que le type d’empowerment importe : ceux qui se reconnaissent en tant que membres d’une communauté de professionnels de travailleurs sociaux et ceux qui se sentent compétents en termes d’aptitudes et de connaissances souffrent moins d’épuisement professionnel, mais ceux qui passent à l’action connaissent des taux d’épuisement professionnel plus élevés. Ces résultats indiquent que, du moins pour les travailleurs sociaux, la relation entre l’empowerment et l’épuisement professionnel dépend du type d’empowerment.

Pourquoi les formateurs en travail social sont-ils particulièrement touchés par l’épuisement professionnel ?

LMC Les formateurs en travail social assument de multiples responsabilités. Ils doivent non seulement répondre aux exigences de leur employeur, qui incluent souvent des scénarios très stressants comme l’enquête sur la maltraitance des enfants ou le traitement des crises de santé mentale, mais aussi superviser et soutenir les étudiants pendant qu’ils apprennent et développent leurs compétences. Cela signifie qu’ils sont non seulement responsables de la santé et de la sécurité de leurs propres clients (souvent vulnérables), mais aussi de la santé et de la sécurité de leurs étudiants et des clients de ces derniers. Pour assurer ses missions, les formateurs en travail social reçoivent peu de soutien de la part de leur employeur ou de l’université. Enfin, ils ne sont souvent pas rémunérés pour ces responsabilités supplémentaires. Tout cela se déroule dans un contexte d’une forte demande de productivité et avec des budgets très contraints. La nature du travail social expose les professionnels à l’impact humain des problèmes sociaux tels que la pauvreté, la violence et les problèmes individuels pénibles comme la maladie, la mort ou la maltraitance des enfants, et cela peut provoquer des traumatismes indirects.

Quelles sont les autres professions les plus menacées ?

LMC Je ne connais pas aussi bien les autres professions, mais d’autres emplois de service ne disposant pas de beaucoup de ressources sont probablement très menacés. Par exemple, aux États-Unis, les enseignants, les médecins et les infirmières ont connu une augmentation des taux déjà élevés d’épuisement professionnel et de rotation depuis l’apparition du COVID-19 et sa politisation ultérieure. Les premiers intervenants, tels que les policiers et les techniciens médicaux d’urgence, sont également exposés à un risque élevé d’épuisement professionnel, notamment en raison de leur travail stressant qui n’offre souvent pas suffisamment de ressources.

Quelles stratégies les managers peuvent-ils mettre en œuvre pour limiter l’épuisement professionnel de leurs employés ?

LMC Notre étude a montré qu’un sentiment d’identité collective, ou d’appartenance, était associé à un moindre taux d’épuisement professionnel. Par conséquent, les responsables qui souhaitent prévenir l’épuisement professionnel devraient prendre des mesures pour s’assurer que les employés se sentent liés à des objectifs, des valeurs, une vision et partagent des ressources adéquates et suffisantes au sein de l’organisation ou de la profession dans son ensemble.

Encourager les interactions et la transparence de l’information afin que les travailleurs se sentent liés et impliqués dans la prise de décision peut également contribuer à renforcer le sentiment d’identité collective.

En outre, il est important de veiller à ce que les employés aient le sentiment de disposer des connaissances et des compétences nécessaires pour répondre aux exigences de leur travail, afin de réduire les risques d’épuisement professionnel. Plus les ressources mises à la disposition des employés sont nombreuses, mieux c’est !

Burnout – empowerment : ChatGPT définition… et limites

Le burnout est un état d’épuisement émotionnel, physique et mental causé par un stress excessif et prolongé. Il résulte généralement de facteurs de stress liés au travail, tels qu’une charge de travail élevée, un manque de contrôle sur le travail et une faible satisfaction professionnelle, et peut entraîner une baisse de la productivité, une augmentation de l’absentéisme et des problèmes de santé physique et mentale.
L’épuisement professionnel est un état d’épuisement émotionnel, physique et mental causé par un stress excessif et prolongé.

Empowerment est le processus qui consiste à donner aux individus ou aux groupes davantage de contrôle sur leur travail et de pouvoir de décision. Il s’agit de leur fournir les ressources, le soutien et les informations nécessaires pour qu’ils puissent prendre en charge leur travail et prendre des décisions efficaces.

MGF Si la définition du burnout donnée par ChatGPT ne pose pas de problème, en revanche celle de l’empowerment est trop restrictive. Elle ne prend en compte que l’empowerment sur le lieu de travail, et non pas l’empowerment citoyen qui incite les personnes vulnérables à s’unir pour affronter les forces sociales, concevoir leurs propres solutions alternatives et proposer des réformes sociétales.

LMC ChatGPT ne fait pas non plus référence à l’empowerment dans les dimensions d’autonomie et d’autodétermination d’un individu ou d’une communauté, il n’est pas non plus question d’émancipation ni de capacité à représenter ses propres intérêts.

* McCarthy, L. P., Siegel, J. L., & Ware, O. D. (2022). Supporting social work field instructors: Empowerment as a strategy for preventing burnout. Journal of Social Work22(5), 1153-1169.

** Demerouti, E., Bakker, A. B., Nachreiner, F., & Schaufeli, W. B. (2001). The job demands resources model of burnout. Journal of Applied Psychology, 86(3) 499–512.

*** Frans, D. J. (1993). A scale for measuring social worker empowerment. Research on Social Work
Practice, 3(3), 312–328. https://doi.org/10.1177%2F104973159300300305

**** Stamm, B. H. (2009). Professional Quality of Life: Compassion Satisfaction and Fatigue Version 5.

Marie-Georges FaynLauren McCarthy

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