Empowerment : le dévoiement des instances municipales de concertation et de participation (USA)
15- 20/11/2020 Dick Platkin, urbaniste californien livre sa vision des instances locales supposées “empowérer” les habitants… Un regard acerbe sur les faux-semblants de la démocratie locale
En Californie, Dick Platkin*, un ancien urbaniste de Los Angeles signe une critique mordante des instances municipales de concertation-participation-responsabilisation des citoyens. Publiée dans le magazine « CityWatch »** sa chronique dénonce ces « stratagèmes qui donnent au public le sentiment subjectif d’une prise de décision, mais sans aucun pouvoir de décision ».
Giving people the illusion of power through non-decision making activities, like advisory councils and public hearings
In most cases, elections play the same role, especially in the United States. We have two major parties, and they both support massive military budgets and foreign wars. Domestically, they both support mass surveillance and harsh policing. While fringe parties disagree with them, they have little impact on decision makers.
Donner aux gens l’illusion de pouvoir via des activités non décisionnelles, comme les conseils consultatifs et les audiences publiques
Dans la plupart des cas, les élections jouent le même rôle, notamment aux États-Unis. Nous avons deux grands partis qui soutiennent tous deux des budgets militaires massifs et des guerres étrangères. Au niveau national, ils soutiennent tous deux la surveillance de masse et la répression sévère. Bien que les partis marginaux ne soient pas d’accord avec eux, ils ont peu d’impact sur les décideurs.
Richard (Dick) Platkin 13/07/2020
Il souligne la mobilisation bénévole des habitants, des militants communautaires qui apportent leurs contributions réfléchies aux débats pour contester des projets de toutes tailles et il dénonce l’absence d’impact de leurs messages. En effet, leur pouvoir est bien limité face aux promoteurs «généreux» et aux « lobbyistes de la mairie adeptes des solutions de contournement payantes ».
Aux huit pratiques de participation citoyennes identifiées dans l’échelle de Sherry Arnstein (1969)***, Dick Platkin en rajoute une, les conseils de quartier que le spécialiste Robert Putnam(2000)**** définit comme faisant partie des “nouveaux outils d’empowerment, à travers lesquels le gouvernement local donne au public le sentiment de cohésion et de participation, mais sans accorder de véritables pouvoirs de décision“. Entre 2000 et 2020, le département d’empowerment des quartiers de Los Angeles en a vu naître 99 et leur but n’était pas seulement d’accroître le sentiment d’appartenance à une communauté… Ces instances très régulées et financées par la mairie ont fini par absorber les centaines de clubs locaux, groupes résidentiels et associations de propriétaires.
D’autres outils d’empowerment ont été créés pour permettre au public de peser sur les projets locaux, principalement ceux des promoteurs privés tandis que les programmations publiques sont nettement moins diffusées. Selon l’auteur, les ateliers publics ont été transformés en panneaux d’affichage commentés par le personnel de l’urbanisme chargé de présenter les projets de la mairie. Les notifications qui devaient être adressés à toutes les personnes habitant dans un périmètre de 150 mères, ne touchent aujourd’hui que les voisins des immeubles attenants. Quant aux témoignages publics, ils sont chronométrés et et sans réel impact …
Doit-on se résigner à accepter ce semblant de démocratie ?
Certes non ! Aux poursuites judiciaires coûteuses Dick Platkin préfère une large diffusion des exposés publics notamment dans la presse locale, les sites web et les réseaux sociaux. Il préconise aussi des manifestations publiques qui ont le défaut d’être lourdes à organiser mais qui impressionnent toujours les municipalités. Il cite en exemple l’action menée en 2011 par le mouvement « Occupy” à LA. Vaincu ponctuellement, il renaît aujourd’hui sous une autre forme. A l’époque, le maire démocrate Antonio Villaraigosa a fait appel à 1 400 policiers pour arrêter 300 cents occupants, coupant ainsi la tête du mouvement. Mais l’affaire a fait grand bruit. Elle a été reprise par les sénateurs Bernie Sanders et Elizabeth Warren. Ces grands noms de la politique et de la recherche soulignent que le problème central d’Occupy, demeure l’inégalité économique ; un problème toujours d’actualité du fait de l’endettement des étudiants, des soins de santé médiocres, des guerres coûteuses, de l’augmentation du nombre des sans abri, des prix des loyers, de la gentrification généralisée et de la spéculation immobilière très active à Sacramento et Los Angeles… A suivre donc !
*Il siège au conseil d’administration de United Quartiers de Los Angeles (UN4LA) et est coprésident de la nouvelle Greater Fairfax Residents Association.
**https://citywatchla.com/index.php/cw/los-angeles/19229-when-you-have-power-you-don-t-need-empowerment-an-epitaph-for-city-hall-s-tombstone publié le 30 janvier 2020
***Degré de pouvoir citoyen effectif : 1-Contrôle autonome – 2-Délégation – 3-Partenariat
Degré de Tokenisme (effort d’association des membres d’un groupe purement superficiel ou symbolique) : 4-Modération – 5- Consultation – 6-Information
Non-participation : 7-Décoration – 8-Manipulation
Source : Arnstein, S. R. (1969). A ladder of citizen participation. Journal of the American Institute of planners, 35(4), 216-224.
****Putnam, R. D. (2000). Bowling alone: The collapse and revival of American community. Simon and schuster.
Marie-Georges Fayn d’après un article de Dick Platkin publié dans CityWatch le 30 janvier 2020