De patient à partenaire soignant
Désireux de reprendre la main sur une épreuve qui a bouleversé sa vie, le patient partenaire se reconstruit en devenant apprenant. Sur les bans des universités[1], il acquiert des connaissances sur sa pathologie, il se forme à l’éducation thérapeutique et à la démocratie en santé. Il développe des compétences pour devenir partenaire des équipes. Il est associé aux initiatives et aux formations des soignants qui intègrent l’expérience patient. Il participe à la conception de programmes d’éducation thérapeutique et de projets de recherche. Titulaire d’un certificat ou d’un diplôme universitaire, le patient partenaire intervient au sein des équipes de soins, au même titre qu’un collaborateur, dans une posture constructive et proactive. Sa vision longitudinale des prises en charge, son regard éclairé sur les manquements et son feedback sont précieux pour optimiser l’offre de soins et les parcours des patients.
En matière d’empowerment, l’expertise acquise par le patient partenaire lui permet de mieux comprendre sa pathologie et de mieux vivre avec elle. Il est plus à même de suivre son traitement et d’adopter des comportements plus favorables à sa santé. Il prend des décisions plus éclairées et peut anticiper certaines situations de crise. Au-delà de ces bénéfices directs, le patient qui aborde cette formation dans un état d’esprit positif renforce son autonomie, sa propre estime, sa confiance en lui et sa capacité à s’autodéterminer. Cet enseignement lui ouvre également de nouvelles perspectives professionnelles au sein d’établissements de soins où il peut remplir des fonctions pédagogiques de co-concepteur, animateur, évaluateur de programmes d’éducation thérapeutique ou de conseils en parcours de santé. Il peut également intervenir au sein de collectifs et d’associations de patients pour coordonner leurs activités et développer leurs projets. En rejoignant la communauté des patients engagés le patient partenaire n’est plus perçu comme un malade chronique, mais comme une personne qualifiée, dotée de connaissances expérientielles (savoir profane) et médicales sur sa pathologie, d’une maîtrise des parcours de santé et apte à les partager [2].
L’apport des patients partenaires a été démontré par plusieurs études[3]. Ces travaux quantifient les impacts positifs de leurs interventions sur tous les aspects des prises en charge, de l’expérience patient à l’organisation des soins.
L’apport du patients partenaire aux autres patients
Les travaux montrent une réduction de l’anxiété. Lors des traitements, l’accompagnement des futurs opérés aide à dédramatiser la situation et à diminuer le niveau de stress des patients et de leurs proches
L’intervention des patients partenaires renforce l’empowerment des patients. Ils formalisent et transmettent des connaissances qui aident les patients à mieux comprendre leur pathologie, leurs traitements et à mieux identifier les supports sociaux auxquels ils peuvent prétendre[5]. Mieux informés, les patients évoluent avec plus de facilité au sein du système de santé et maîtrisent davantage les démarches administratives ou cliniques ainsi que les ressources possibles. Ils apprennent à mieux gérer leur situation. Ils sont mieux intégrés aux équipes, prennent davantage part aux décisions ce qui permet de mieux adapter leur projet de soins personnalisé à leur projet de vie. Les patients en retirent une amélioration de leur état de santé et de leur bien-être ; une réduction significative du seuil de douleur post-opératoire a même été constatée[6].
La médiation du patient partenaire bénéficie à l’organisation des soins et à leur qualité. En rapprochant les usagers et les professionnels, il aide à rééquilibrer les savoirs, à négocier une co-définition de priorités qu’il s’agisse par exemple de fluidifier les échanges entre services ou de former un personnel non spécialisé.
Les études ont également démontré que les patients accompagnés ont un recours moindre aux urgences, que la durée de leur hospitalisation est plus brève et que les événements indésirables diminuent ; contribuant à une meilleure maîtrise des dépenses hospitalières.
« Le patient partenaire n’est ni à l’extérieur, ni au centre mais avec l’équipe, dont il est membre à part entière c’est un soignant » affirme le Dr Marie-Pascale Pomey experte en politiques publiques à l’École de santé publique de l’Université de Montréal[4].
Grâce à son expertise, le patient partenaire participe à l’humanisation et l’optimisation des parcours de soins. Véritable levier d’empowerment, il a un impact très positif sur le moral et sur l’engagement des autres patients ainsi que sur l’efficience de leurs prises en charge. En accompagnant les usagers pour qu’ils deviennent co-concepteurs des soins et les professionnels pour qu’ils associent davantage les personnes soignées aux prises de décision, les patients partenaires incarnent une approche concrète et exemplaire de la démocratie en santé.
Marie-Georges Fayn
[1] La première université des patients a été fondée en 2010 par le Pr. Catherine Tourette-Turgis, L’Université des Patients-Sorbonne, elle est abritée par Sorbonne Université à la Pitié-Salpêtrière à Paris14. C’est la première université au monde à avoir conçu des diplômes pour les patients souhaitant transformer leur expérience de la maladie en expertise. L’Université des Patients de Marseille : Créée en 2013 sous l’égide du Professeur Yvon Berland, elle est rattachée à l’Université d’Aix-Marseille.
L’Université des Patients de Grenoble : Établie en 2014 à l’initiative de patients, elle a récemment évolué en une structure régionale en Rhône-Alpes.
Ces universités proposent des formations diplômantes telles que des certificats ou des diplômes Universitaires, des Masters, et parfois des Doctorats, ainsi que des Master class plus courtes. Elles accueillent à la fois des patients atteints de maladies chroniques et des professionnels de santé, avec pour objectif de valoriser l’expérience des malades et de les impliquer dans l’amélioration du système de santé
L’Université de Montréal s’est dotée d’un programme de partenariat patient en éducation médicale. Le Centre d’excellence sur le partenariat avec les patients et le public a été créé comme une initiative conjointe soutenue par l’Université de Montréal, sa Faculté de médecine et le Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Au sein du bureau du patient partenaire, la faculté de médecine de Montréal développe de nouvelles pratiques axées sur le dialogue et le partage de connaissances pour améliorer l’expérience patient et l’efficacité des soins.
[2] Tourette-Turgis, C., & Thievenaz, J. (2012). La reconnaissance du pouvoir d’agir des sujets vulnérables: un enjeu pour les sciences sociales. Le sujet dans la cité, 3(2), 139-151.
[3] DE PROJET, RAPPORT.. (2021). Impacts économiques et non économiques de l’implication des patients et des proches-aidants dans les soins et services et dans la gouvernance des soins et services. Pomey, M.P., Badr, J., Bouabida K., Borgès Da Silva, R ;
[4] Intervention lors du 10ème anniversaire de l’Université des Patients d’Aix-Marseille, le 6/12/2024
[5] Russell, J. S., Southerland, S., Huff, E. D., Thomson, M., Meyer, K. B., & Lynch, J. R. (2017). A Peerto-Peer Mentoring Program for In-Center Hemodialysis: A Patient-Centered Quality Improvement Program [Article]. Nephrology Nursing Journal, 44(6), 481-
[6] McDonall, J., de Steiger, R., Reynolds, J., Redley, B., Livingston, P. M., Hutchinson, A. F., & Botti, M. (2019). Patient activation intervention to facilitate participation in recovery after total knee replacement (MIME): a cluster randomised cross-over trial. BMJ Quality & Safety, 28 (10), 782-792. https://doi.org/10.1136/bmjqs-2018-00897