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Justice climatique : les manifestations vecteurs d’empowerment pour la jeunesse australienne

63- 16/06/2023 En Australie, les jeunes descendent dans la rue pour réclamer une justice climatique et dénoncer l’inaction du gouvernement. Plus qu’un plaidoyer, ces mouvements sont assimilés à un processus d’empowerment qui transforment les manifestants en acteurs politiques dotés d’une responsabilité climatique collective. Pour étudier ce phénomène social, quatre chercheurs* de l’université de Deakin (Geelong) ont diffusé un questionnaire en ligne et recueilli 511 réponses d’australiens âgés de 15 à 24 ans. Selfpower-community a retenu cet article où il est à la fois question d’engagement citoyen solidaire et de son impact sur le gouvernement. Voici un résumé des travaux.

La grande majorité des jeunes (95,5 %)[1] se dit concernée par le réchauffement de la planète ; ils savent que si rien ne change, ce sont eux qui en subiront le plus les conséquences. A ce titre, ils s’estiment en droit de réclamer des mesures ambitieuses et d’être associés à leur élaboration.

Pour l’heure, les décisions prises restent très favorables aux groupes industriels. En conséquence, s’ils veulent peser sur les décisions, les jeunes doivent accroître leur pouvoir politique. En santé publique, une corrélation très forte est établie entre le poids politique des personnes et la promotion de leurs idées dans le cadre de mouvements sociaux fondés sur les droits de l’homme et engagés dans l’action (Jacobson & Banerjee, 2005 ; Thomas & Daube, 2023). En effet, parmi toutes les stratégies sociales utilisées pour faire entendre sa voix, la plus visible et impactante est la manifestation.

De ces rassemblements émane une puissante connexion émotionnelle. Unis autour d’un même but, les manifestants partagent leur frustration et leur anxiété. Ils forment une assemblée citoyenne soudée et en marche.

Un front citoyen en marche ©DALLE-E générateur d’images par IA

« J’ai été motivé par l’idée que tant de personnes se rassemblaient pour une seule cause, unies dans leur mission de sensibiliser le public à cette question et de prendre position contre les politiques dommageables du gouvernement. » Un jeune homme de 20 ans, Australie du Sud”

Et de fait, les protestations de masse organisées par Extinction Rebellion[2] ou de Fridays for Future, largement couvertes par la presse et les réseaux sociaux, ont accru la conscience du public, la pression sur les décideurs et leur influence intergénérationnelle (Collin, & Matthews, 2021).

Une jeune fille de 17 ans originaire d’Australie occidentale constate « Cela force les médias à se concentrer sur la question du changement climatique et à lui donner de la visibilité. Cela force le public à réfléchir à la façon dont le changement climatique affecte l’avenir des générations plus jeunes. (…) ” … Mais cela n’oblige pas forcément le gouvernement à écouter le peuple, à modifier les lois ni à prendre des mesures efficaces en faveur du climat. Confrontés aux rigidités structurelles et à la prévalence des intérêts particuliers sur le bien commun, les manifestants regrettent l’absence d’engagement des décideurs politiques et leur indifférence envers les jeunes, rarement pris au sérieux. Autant d’obstructions à l’émergence d’approches audacieuses et innovantes.

Pour lever ces obstacles, les manifestants font pression sur le gouvernement pour qu’il reconnaisse la légitimité de leur parole, pour qu’il leur propose de véritables opportunités de leadership et les associe aux décisions. Plusieurs pistes sont envisagées comme
– le principe d’une citoyenneté environnementale qui se traduirait notamment par un abaissement de l’âge du droit de vote à 16 ans[3],
– le rapprochement des jeunes avec les organisations de santé publique afin de mettre en place des stratégies d’action communes.

Surtout, les jeunes ne veulent plus être considérés comme des victimes de la crise climatique mais comme des individus capables de changement positif, qui doivent être protégés, consultés et reconnus comme des partenaires à part entière dans la conversation sur le climat. (Arora et al., 2022).

Marie-Georges Fayn

*Arnot, G., Thomas, S., Pitt, H., & Warner, E. (2023). “It shows we are serious”: Young people in Australia discuss climate justice protests as a mechanism for climate change advocacy and action. Australian and New Zealand Journal of Public Health, 100048.

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Arora, R., Spikes, E. T., Waxman-Lee, C. F., & Arora, R. (2022). Platforming youth voices in planetary health leadership and advocacy: an untapped reservoir for changemaking. The Lancet Planetary Health6(2), e78-e80.

Collin, P., & Matthews, I. (2021). School Strike 4 climate: Australian students renegotiating citizenship. When students protest: secondary and high schools, 125-143.

Jacobson, P. D., & Banerjee, A. (2005). Social movements and human rights rhetoric in tobacco control. Tobacco control14(suppl 2), ii45-ii49.

 Thomas, S., & Daube, M. (2023). New times, new challenges for health promotion. Health Promotion International38(1), daad012.

Van Schalkwyk, M. C., Maani, N., Cohen, J., McKee, M., & Petticrew, M. (2021). Our postpandemic world: what will it take to build a better future for people and planet?. The Milbank Quarterly99(2), 467.


[1] L’enquête a été menée en juillet-août 2020

[2] https://selfpower-community.com/extinction-rebellion-changer-de-civilisation/

[3] The grown-ups have failed miserably on climate change – so us kids are going on strike to save the planet.- The independant, february 14th, 2019 –The grown-ups have failed miserably on climate change – so us kids are going on strike to save the planet | The Independent | The Independent